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Transcription textuelle

Physiothérapie et athlète de haut niveau 

Voici la version textuelle du balado Santé sans rendez-vous, saison 3, épisode 2.

Introduction de l'épisode (0 min 0 s)

Ce balado est présenté par la clinique du Peps de l’Université Laval, la plus grande équipe en médecine du sport et de l’exercice à Québec avec plus de 50 professionnels dans 15 services. Une clinique accessible à tous, à tous les niveaux, pour les gens actifs. (♪ musique instrumentale entraînante ♪) Bon épisode!

Bienvenue à ce nouvel épisode du balado Santé sans rendez-vous par la Faculté de médecine de l'Université Laval. Je suis Raymond Poirier et j’animerai cet épisode sur la physiothérapie et l'athlète de haut niveau.  

Début de l'entrevue (0 min 28 s)

Raymond Poirier: Aujourd'hui, j'ai la chance de m'entretenir avec le physiothérapeute, professeur clinique et chargé d'enseignement à l'École des sciences de la réadaptation de la Faculté de médecine de l'Université Laval et directeur des opérations médicales pour la Clinique du PEPS, Michaël Morin. Ainsi que l'étudiant à la maîtrise en physiothérapie de la Faculté de médecine de l'Université Laval et capitaine de l'équipe de football du Rouge et Or, Yann Leroux.  

J'ai plaisir d'être en compagnie de 2 personnes qui agissent en physiothérapie, à la fois comme physiothérapeute ou comme étudiant à la maîtrise en physiothérapie. Le premier, outre cette spécialité, est également professeur clinique et chargé d'enseignement à l'École des sciences de la réadaptation, également directeur des opérations médicales pour la Clinique du PEPS. Michaël Morin, bonjour.  

Michaël Morin: Bonjour!

Raymond Poirier: Et le second, donc étudiant sous la supervision de Michaël. D'ailleurs, également athlète Rouge et Or, capitaine du football Rouge et Or, à plus de 100 personnes qui sont réunies là-dessus. Donc Yann Leroux, bonjour!

Yann Le Roux: Bonjour!

Raymond Poirier: Alors on est avec vous évidemment, pour parler physiothérapie, pour parler sport, pour parler athlétisme de haut niveau également. Mais je pense que la première question qu'on devrait se poser, c'est peut-être la Genèse de tout ça. Donc je le disais, vous êtes les 2, vous avez été les 2 happés par la physiothérapie. Il existe également plusieurs branches à ce domaine-là qui est une discipline quand même très, très riche. Alors pourquoi vous avez été vers la physio? Et peut-être plus précisément, pourquoi le domaine sportif?

Michaël Morin: Ben moi, personnellement, j'ai joué au hockey presque toute ma vie. Je joue encore. J'ai 40 ans, j'ai eu... je me suis blessé, j'ai eu 3 fractures des différents bras, j'ai fait de la physiothérapie plus jeune. C'est sûr que c'est quelque chose qui m'a toujours inspiré. J'ai fait plusieurs sports aussi, ça veut dire que j'ai toujours été proche du milieu sportif, je suis quelqu’un de très actif, puis j'aime côtoyer les gens aussi dans le milieu du sport, ça veut dire que ça a toujours été une passion pour moi. Je veux dire qu'allier passion travail, c'est vraiment plaisant.

Yann Leroux: Puis pour ma part, ben un peu comme Michaël. Toute ma vie, j'ai été un grand sportif, c'est-à-dire que j'ai touché à peu près tous les sports possibles. Puis dans ma carrière de football, plus précisément, ben comme Michaël l'a mentionné, là ça implique beaucoup de blessures, ça implique beaucoup de bobos. Puis, en tant qu’athlète, j'ai vraiment été témoin de l'importance du physiothérapeute dans le milieu du sport. Pis c'est clairement le milieu du sport, puis mon expérience dans ce milieu-là, qui m'a amené vers la physiothérapie. Puis encore aujourd'hui là, j'ai une certification en thérapie du sport pour mon bac, pour mon baccalauréat, puis c'est clairement ça qui m'allume là, fait que...  

Raymond Poirier: En fait, la physiothérapie est venue par le sport. Le sport... vous étiez dans une masse de sport en fait, parce que je pense que les 2, c'est clair que vous avez pratiqué beaucoup de sport au fil du temps. Éventuellement, en fait, de ton côté Yann, ça s'est cristallisé sur le football.  

Yann Leroux: Ouais, en effet! J'ai commencé à pratiquer le football en 5e année du primaire, donc ça fait quand même longtemps que je fais du football. À l'époque, je faisais beaucoup d'autres sports, notamment le hockey, la natation, puis d'autres choses comme ça. Par contre, c'est vraiment la présence de mes amis au football qui m'ont vraiment attiré initialement vers ce sport-là. Puis, ensuite, c'est tout l'aspect stratégique, l'aspect de d'esprit d'équipe, puis le principe de à 100 joueurs environ dans une équipe de football — des fois un peu plus, des fois un peu moins — la capacité à une équipe de 100 gars de tous s'entendre sur la direction vers où on veut aller puis à 100, pouvoir pousser dans cette direction-là, ça c'est vraiment quelque chose qui m'a allumé puis qui m'a attiré vers le football, donc.  

Raymond Poirier: Et de ton côté Michaël, il me semble que c'était d'abord le hockey, puis le football est venu en cours de route.  

Michaël Morin: Oui, effectivement. Ben mon père est un joueur de football au niveau collégial, mais on est 3 garçons chez nous puis on a tous joué au hockey (rires). C’est un peu drôle un peu. Mon père s'est mis à jour hockey plus tard pour nous suivre à ce niveau-là. Mais j'ai toujours eu une passion, un peu comme Yann pouvait mentionner dans le fond l'esprit d'équipe, on entend souvent — ben en tout cas dans les différents milieux où j'ai gravité — que c'est une école de vie d'apprendre, c’est une micro-société, d'apprendre à vivre avec les autres, de prendre des décisions qui sont pas toujours communes. Y a des niveaux d'intensité, des niveaux d'émotion aussi d'apprendre à gérer tout ça. Je pense que c’est une école de vie qui aujourd'hui nous donne des outils pour mieux gérer dans notre vie en société, au niveau du travail, au niveau de la famille, au niveau de plusieurs aspects. Ça veut dire que le sport est un aspect très important.

Puis ben moi, j'ai pas fait du sport de très haut niveau, mais j'ai gravi dans plusieurs niveaux à ce niveau-là. Mais l'aspect que je voulais mentionner, c'est qu'il y a eu une évolution. Parce que moi, plus jeune, toute ma carrière, oui on pouvait aller consulter, exemple un physiothérapeute ou un médecin à l'extérieur des équipes. Je regarde aujourd'hui la structure qu’il y a dans les écoles secondaires, les écoles collégiales, collégiaux, les universités, c'est vraiment impressionnant l’évolution qu’il y a eu à ce niveau-là, l'encadrement, le suivi des commotions cérébrales, etcetera. C'est vraiment intéressant. Puis j’ai tout... j'ai eu la chance dans les 20 dernières années de voir toutes ces évolutions-là puis d'y participer. Ça c'est vraiment passionnant à ce niveau-là.  

Raymond Poirier: Quelque chose qui était un peu optionnel à une certaine époque où qui était un à-côté devenu un acquis, c'est nécessaire désormais d'avoir cet accompagnement-là, cet appui-là, et que cet appui-là soit de plus en plus important, plus on monte de niveau aussi dans le sport.  

Michaël Morin: Oui, vraiment, parce que si on recule de quelques décennies, c'était beaucoup l'entraîneur qui gérait l'ensemble de l'équipe. Aujourd'hui, en  2025, on parle d'équipe intégrée, ça veut dire que là où y a la partie entraîneur, mais il y a tout l'aspect sciences médico sportives à côté. Ça veut dire que pour la performance d'une équipe, ça prend un équilibre entre les 2. Ça prend une excellente équipe d'entraîneurs, mais ça prend toutes les à-côtés au niveau de de la physiologie de l'exercice, au niveau de la préparation mentale, au niveau justement de l'optimisation, de la blessure au retour de l’athlète vers la réathlétisation. Puis d'amener des... l'ensemble des athlètes avec des cycles de repos, puis des pics de performance, des sommets de performance pour s'assurer d'arriver aux olympiques puis d'avoir de la meilleure performance de des 5 dernières années, des 4 dernières années. Ça veut dire que tout ça, c'est super intéressant au niveau scientifique. Puis il y a de plus en plus de littérature, de livres à ce niveau-là, il y a des podcasts, il y a des gens, des spécialistes qui viennent, qui partagent leurs idées. Puis ça fait une très grande communauté au niveau international. 

Étudier en physiothérapie: une force pour l’athlète  (6 min 54 s)

Raymond Poirier: Et ça veut dire, en fait, dans un contexte où on pratique du sport de haut niveau et on étudie sur la physiothérapie — je veux dire si on était dans un domaine artistique — je dirais pratiquement Yann que tu fais de la recherche-création point final (rires).

Yann Leroux: Ben en effet, tu sais le football, il y en a beaucoup qui disent que c'est un jeu de prévention de blessures, mais aussi de gestion de la douleur. Parce que la saison est courte, la saison est très intense. Puis à la fin de la saison, c'est très rare que quelqu'un ressente pas de douleurs ou a pas subi de blessures pendant la saison. Fait que mes connaissances en physiothérapie, mes études en physiothérapie m'aident vraiment à optimiser ma condition pendant la saison et surtout pendant la saison morte.

Raymond Poirier : Et j'imagine que ça vient influencer à la fois un peu la perspective que t'as face à ta discipline autant que dans ta sélection par exemple de sujet de maîtrise dans la manière dont t’abordes aussi les cours, les séminaires, etcetera.

Yann Leroux: Oui, 100 %. C'est des... les connaissances que j'ai ou du moins qu'on voit en cours, ben je peux les mettre en application tout de suite parce que je fais comme partie de la patientèle mais aussi du professionnel. Donc ça m'aide à comprendre un peu le pourquoi derrière chaque intervention. Puis aider aussi l'équipe médicale de l'équipe de football à faire passer ça à travers les joueurs. Souvent y a des joueurs qui viennent me demander des conseils, pis moi, ben, je prétends pas être un physiothérapeute encore, il me manque ma maîtrise. Mais je peux au moins les guider vers des ressources qui sont, qui vont être capables de les aider en fonction de leur problème, fait que...

Raymond Poirier: Et j'imagine même pour le superviseur aussi, autant que celui qui accompagne l'équipe également sur le plan de la physiothérapie. Mais ça devient ça, c’est une dynamique particulière d'accompagner un joueur qui lui-même est en train de développer des compétences, des connaissances dans un domaine comme celui-là. Donc toi aussi tu fais un peu de recherche appliquée à travers ça, parce que tu peux tester, valider tes hypothèses avec l'équipe ou avec les équipes que t’accompagnes.

Michaël Morin: Oui, vraiment. Puis surtout que comme Yann a des connaissances, on est capable d’avoir des discussions plus approfondies sur certains sujets. Si on voit des tendances — on parlait de prévention — ben des fois, au cours de la saison, dépendamment de la partie qui a été d'entraînement présaison, ben on va voir que dans la saison il y a eu des tendances d'avoir un plus gros pourcentage de blessures par exemple au ski, au jambier. Mais là on se pose la question: OK, selon nos statistiques, pourquoi qu'on a eu plus de blessures cette année? Parce que c'est juste un hasard dû à des traumas ou c'est vraiment dû à la préparation physique qu'on a faite avant? Est-ce que c'est la quantification de stress mécanique? Ça veut dire il y a eu trop de pratiques, pas assez de repos, ça veut dire que là on amène ça auprès des entraîneurs, on en discute en groupe, puis là on prend une direction: on essaie, on évalue. Ça veut dire que c’est beaucoup d'essais-erreurs. On joue beaucoup avec des statistiques. On sait qu'il y a une partie de blessures qui peuvent être traumatiques, qu'on peut pas contrôler, mais on essaie de contrôler un peu l’incontrôlable. C'est toujours cette partie-là qui devient intéressant.

Pis à partir de la science, les nouvelles technologies, les nouveaux outils aussi, comme physiothérapeutes, on a des outils pour aider à traiter autres que nos mains. Ça veut dire qu’on peut combiner des fois nos mains avec certains types d'outils ou d'une nouvelle technologie, ça veut dire ça nous permet d'avoir des feedbacks. Pis là Yann, étant donné qu’il a un niveau plus avancé de connaissances, il va être capable de nous donner des idées vraiment plus intéressantes. Et c'est un peu ça le monde du sport hein, c'est un monde qui évolue constamment, puis ça nous permet justement de de se positionner, puis d'essayer d'aller... de se poser les questions, de se dire pourquoi? Qu'est-ce qu'on peut faire de mieux? Puis comment on nivelle par le haut? C'est tout le temps ça. C'est un peu notre dicton qu'on a au niveau du Rouge et Or de toujours dire, on essaie d'amener ça à un autre niveau, puis d'amener la performance à un autre niveau, tout en respectant l'athlète bien sûr.

Yann Leroux: Si je peux renchérir, on parle souvent pendant les études de physiothérapie de l'approche bio psycho-sociale. Puis ce que je trouve plaisant de mon poste de joueur et étudiant, c'est le fait que je peux vraiment avoir un indice sur comment les autres joueurs se sentent. Comment un patient se sent, puis souvent, on est dans les évidences scientifiques, la pratique basée sur l'évidence, mais y a aussi l'aspect comment le joueur se sent à travers toute ce traitement-là, puis après à travers toutes ces évidences-là. Fait que je trouve ça le fun de pouvoir avoir les 2 côtés de la médaille en même temps.

Raymond Poirier : Oui, c'est intéressant. En fait, le point qui est amené à travers ça, c'est de se dire, ben la blessure au départ en fait, c'est un peu la porte d'entrée vers le diagnostic plus large. Donc pourquoi la personne a cette blessure-là? Qu'est-ce qui l'a causée? Qu'est-ce qui est associé à? Est-ce que c'est purement sur les éléments physiques où il y a d'autres éléments sur le mental et le reste? Donc ça, c'est une approche qui est quand même beaucoup plus globale que juste le muscle juste la partie du corps qui est concernée.

Michaël Morin: Oui, effectivement, on parle souvent du diagnostic. Ça veut dire que, oui, on va avoir un diagnostic auprès du médecin ou un diagnostic physiothérapique avec le physiothérapeute. Mais quand on arrive pour le traiter, il faut toujours aller vers la source parce qu'on peut — oui, on a des canevas, des recettes, des études qui montrent qu'on a une façon de procéder pour pouvoir atteindre nos objectifs— mais ça reste des humains qu'on traite. Que ça soit un athlète, que ça soit Wayne Gretzky ou que ça soit un athlète amateur de 50 ans qui veut faire un demi-marathon ça reste un humain derrière. Puis, à travers chaque humain, il y a un aspect psychosocial, comme Yann disait. Des fois, il y a du stress à la maison, il y a du stress au travail. Peu importe aussi la température extérieure, on voit au Canada où est-ce qu'il y a des fluctuations, y a beaucoup de sources externes qui peuvent influencer une blessure même si c'est le même diagnostic. Puis si on pouvait parler avec plein de professionnels de la santé, peu importe ce qu'ils font dans la vie, ils reviendraient toujours à ce point-là en disant, faut creuser pour aller chercher la source avec notre patient. Puis ce qui est le fun en physiothérapie, c'est qu'on a la chance d'avoir quand même du temps avec notre patient, des fois des demi-heures, des fois jusqu'à 1 h, pour discuter avec eux, puis apprendre à les connaître, puis avoir une relation un peu plus de proximité. Ce qui nous permet des fois d'aller chercher des aspects qui vont nous aider à faire progresser le patient, autant au niveau de sa blessure que de son diagnostic à ce niveau-là.

Soigner l’athlète, accompagner l’humain (12 min 48 s) 

Raymond Poirier: Et est-ce que c’est une approche qu’on prend un peu pour acquis ou une philosophie qu’on prend un peu pour acquis qui est en place? Ou au contraire Michaël Morin, quelque chose que t’as développé de ton côté, puis qui s’est développé peut-être aussi en parallèle dans l’idée justement d’avoir des approches plus humaines, peut-être aux soins, à la médecine. Entre autres, je voyais que tu avais côtoyé Patch Adams à une certaine époque. Donc, est-ce qu’il y a des éléments comme ça qui ont influencé cette vision-là, dans le fond, du soin et de la pratique?  

Michaël Morin: Ce serait de mentir que de dire non, ça c’est sûr. Quand j’étais en secondaire 5 au secondaire, le film de Patch Adams qui est sorti en 98, si je me trompe pas, a été un élément qui a vraiment changé ma vie. C’est vraiment ça qui m’a donné la vocation d’aller en santé, d’aider mon prochain, etcetera. Puis quand j’ai réussi à rentrer en physiothérapie dans les années 2000, en 2006, j’ai écrit à la Gesundheit Institute pour — où est-ce que Patch Adams a son institut aux États-Unis — pour voir si je peux pas aller faire du bénévolat pour en apprendre plus sur cette vision-là, puis ces valeurs-là que moi j’aurais aimé pouvoir mettre dans ma pratique. Puis ils m’ont répondu, puis on a commencé à échanger, puis finalement je suis allé passer 2 étés chez eux. J’ai fait un voyage humanitaire aussi au Pérou avec 80 clowns de différentes parties du monde. C’était vraiment passionnant, puis j’ai eu la chance d’avoir des discussions un à un avec justement Patch Adams, puis voir un peu sa vision très humaine. Où est-ce qui mettait ses limites? Parce que lui, il rentre vraiment dans la vie personnelle des patients très, très proche. Il fait des entrevues de 4 heures avec ses patients. Y a vraiment une division un peu extrême, on se cachera pas, par rapport à notre système de santé publique-là (rires), on se le cachera pas. Mais je pense que je suis capable d’en retirer… j’ai retiré quand même de des très belles valeurs de de cette relation-là, puis de ce, de toute cette, cette expérience-là.

Ce qui fait en sorte qu’aujourd’hui ben Yann peut en témoigner, mais je pense que j’aime ça avoir une relation assez proche avec mes athlètes, tout en respectant l’aspect professionnel bien sûr, mais être capable de bâtir une relation, puis de les suivre sur du longitudinal, avoir… Puis d’être capable d’aller vraiment chercher le problème, discuter avec eux, pis de toujours… moi j’aime beaucoup utiliser une touche d’humour, essayer de désensibiliser parce que aller voir un médecin ou un physio, des fois, y en a que ça les stress; il y en a qui sont un peu braqués. Mais d’utiliser une petite touche d’humour en creusant dans, là on a parlé de famille, en essayant de voir un peu le milieu social d’où est-ce qu’ils viennent, ça nous permet d’avoir de créer des relations plus proches. Pis de mieux comprendre dans le fond l’athlète qui est devant nous, puis de l’aider à performer par après.  

Raymond Poirier: Et Yann, semble-t-il que tu peux en témoigner. 

Yann Leroux: Je peux en témoigner, en effet. Puis, tu sais, en tant que physiothérapeute ou étudiant en physiothérapie, on est formé pour reconnaître ces indices-là dans la vie de tous les jours. Malheureusement, les athlètes sont pas nécessairement au courant de ces petits indices-là qui peuvent faire une différence à long terme. Mais comme Michaël dit, son approche vraiment plus globale du patient plutôt que de la pathologie fait vraiment en sorte que il se met dans la meilleure position possible pour remarquer ces indices-là. Fait que je lui lève mon chapeau. À date, ça fonctionne.  

Raymond Poirier: Puis, dans une approche collaborative, on revient un peu à l’idée d’esprit d’équipe, de travail d’équipe. Ben on comprend que c’est avec des assises comme ça que l’équipe soignante, l’équipe de soins fait aussi partie intégrante de l’équipe de sport comme telle. Parce que nécessairement, ce que vous remarquez de votre côté, tu le disais tantôt, mais ça peut influencer ce que l’entraîneur fait et vice versa. Donc c’est… j’imagine que ça crée des assises encore plus fortes de cohésion entre les différents acteurs de de l’équipe.  

Michaël Morin: Oui, effectivement. D’établir une bonne base de communication à travers l’équipe intégrée incluant les entraîneurs. Puis comme on dit, avant on mettait l’athlète puis après ça, il y avait les entraîneurs, puis c’est comme très hiérarchique. Maintenant, on met beaucoup l’athlète au centre, puis les gens qui gravitent autour de l’athlète qui va l’aider à performer, puis d’atteindre son pic. Puis, des fois, c’est 10 %, 20 %, puis chacun a comme son rôle. Puis les pourcentages peuvent changer au cours de l’année, changer au cours du cycle qui va se rendre… à justement d’arriver à son maximum de performance. Ça veut dire que ça c’est super intéressant, c’est pas une science parfaite, puis on peut avoir une recette qui marche super bien avec tel athlète qui est allé chercher une médaille d’or aux olympiques, tandis qu’on fait la même recette avec l’autre, pis ça marche pas du tout. Parce qu’on traite des humains. Ça veut dire que faut être capable d’aller trouver le X, puis des fois ça prend plus de temps, faut que là, des fois, l’athlète apprenne à se connaître parce que lui non plus apprenne pas, ne connaît pas nécessairement tout le temps comment atteindre lui-même son X. Ça veut dire que chacun a comme son cheminement. Puis je pense que ce qui fait la beauté, on parlait d’artistes tout à l’heure, tu sais, c’est pas toujours facile. Des fois, faut dessiner un peu la trajectoire pour atteindre notre objectif. Oui, il y a des des tendances, mais quand même, faut savoir s’adapter. Puis le mot, l’adaptation, c’est vraiment la clé pour pouvoir avoir de la réussite je pense.  

Raymond Poirier: Et le rythme de rencontre comme ça, justement cette relation-là, est ce qu’on parle de rencontre de suivi qui est journalier, qui est hebdomadaire? Donc comment ça se passe un peu concrètement l’accompagnement puis la dynamique entre les athlètes puis l’équipe médicale?

Yann Leroux: Ben premièrement, l’équipe médicale voyage à peu près partout avec nous. Il monte en bus quand on va à Montréal. Toujours disponible pendant toutes les heures de la journée à peu près. Ils ont un local directement dans le vestiaire. Y a 2 rencontres qui sont à peu près obligatoires. Y a la rencontre de début d’année pour créer un espèce de… je veux dire baseline, désolé de l’anglicisme, pour avoir des données de base pour pouvoir comparer si jamais il arrive quelque-chose pendant la saison. Puis ensuite à la fin de la saison, il y a les rencontres de fin de saison pour s’assurer que les joueurs finissants ou les joueurs qui reviennent l’an prochain sont pas tout seuls dans leur processus de réhabilitation. Sinon ça marche surtout, corrige-moi si je me trompe là, mais ça marche surtout par prise de rendez-vous donc, parce que tu sais, il y a beaucoup de joueurs dans une équipe de foot, puis c’est pas tout le monde qui ont les mêmes besoins, mais ceux qui ont des besoins plus urgents peuvent prendre rendez-vous à travers un document Excel qui est partagé à tout le monde, pis que tout le monde a accès. Puis ensuite, la physiothérapeute ou le physiothérapeute qui est sur place va s’occuper de nous selon la plage horaire qu’on a choisie.  

Raymond Poirier: Donc à la demande au besoin, en fonction de l’objectif aussi, puis de du plan de match que vous donnez au départ.  

Yann Leroux: Exactement.  

Michaël Morin: J’essaie toujours de trouver un équilibre, autant au niveau, comme on disait, de répondre aux besoins des entraîneurs, aux besoins des athlètes. C’est sûr qu’il y a un équilibre financier, on se le cachera pas, dépendamment des programmes. On a la chance au football Rouge et Or d’avoir une super belle structure et quasiment au niveau professionnel. Mais c’est toujours aussi de trouver un équilibre, puis d’expliquer aux athlètes dire ben : faut que tu catégorises un peu qu’est-ce qui se passe là? C’est-tu une urgence? Ça peut-tu attendre? On peut-tu se voir? Tsé, puis moi je suis assez ouvert, j’aime ça avoir une relation assez proche, puis Laurence Boucher qui travaille avec moi comme physiothérapeute cheffe du football, tu sais… toutes les athlètes ont notre numéro de cellulaire personnel, ils ont accès à nos réseaux sociaux. Ça veut dire que si y a une urgence, on va te dépanner mais si t’as un… je sais pas, si t’as une petite blessure ça peut attendre au lundi. T’es pas obligé de m’appeler à 1 heure du matin le vendredi soir. Tu sais, vous comprenez, ça veut dire que, je pense que c’est un équilibre, puis c’est une relation de de respect qui se bâtit avec le temps. Puis c’est une culture, ça prend un certain nombre d’années, mais aujourd’hui, je pense qu’on a un bon plan qui réussit bien. Pis s’il arrive vraiment une urgence, ben ça arrive des fois qu’on a un appel mais au moins, on sait qu’on peut les aider, puis c’est de trouver la meilleure solution possible.  

Raymond Poirier: Et on parle évidemment de la place de l’humain donc comme destinataire de ce soin-là, comme source d’accompagnement. Mais évidemment, dans le contexte, c’est aussi le sport qui est pratiqué. J’imagine qu’on n’a pas la même approche en physiothérapie, par exemple au hockey versus au football. De ce que je comprenais le football c’est quand même particulier parce que c’est tout le corps dans le fond, qui est concerné comparativement à d’autres sports.  

Michaël Morin: Ben, ça dépend là. Le hockey est un sport quand même assez complet, je vous dirais un peu comme le basketball. Tu sais, on demande d’avoir, au-delà des orteils à la tête, là, ça bouge beaucoup. C’est sûr que si on ajoute un sport de contact, on ajoute un plus grand risque de blessures. Le hockey en est un, par exemple. Le rugby, c’est un bon exemple aussi. C’est sûr que certains sports, comme j’ai déjà couvert aux Jeux panaméricains au Chili, le tir à l’arc. C’est sûr que le risque de blessures du membre inférieur est beaucoup plus limité. Mais le risque de blessures à l’épaule par exemple, avec des postures statiques et de la précision est beaucoup plus élevé que certains autres sports. Ça veut dire que, ce qui est le fun dans notre domaine, c’est qu’il faut s’adapter en fonction des différents sports parce qu’il y a des sports, justement, des sports très statiques, de précision; il y a des sports qui vont demander juste une certaine partie du corps comme d’autres plus globale, où est-ce que là il y a des contacts, qui peuvent avoir des traumas. C’est différent. Ça veut dire que chacun, je pense, que chacun trouve sa passion, son X là-dedans, dépendamment qu’est-ce qui l’intéresse.  

Raymond Poirier: Et on disait tantôt — puis c’est quelque chose que je tiens à rappeler dans le fond. Yann Leroux, c’est ce que tu mentionnais — au football, il y a quand même des périodes assez intensives et à un certain point, c’est rare que l’athlète va sortir de la saison complètement indemne ou presque. Est-ce que c’est un peu un acquis dans le fond de se dire à un moment donné, on va avoir à jouer avec la douleur et à un moment donné, il va avoir une approche de gestion dans le fond de l’encadrement, de l’accompagnement, de cette douleur-là qu’on pourra pas… à laquelle on pourra pas nécessairement échapper.  

Yann Leroux: Oui, absolument. Il y a des… Tsé, il y a plusieurs types de pathologies qu’on peut voir au football, puis tu sais y a des blessures qui sont plus graves que d’autres, y en a qui impliquent pas des risques de s’aggraver. Puis là, il y a plusieurs cas différents là, mais je parle en généralité. Y en a des pathologies qui sont pas graves puis qu’on peut jouer quand même malgré la douleur. Fait que là vient vraiment l’importance de la gestion de la douleur puis surtout de la compréhension de la pathologie. Puis l’équipe médicale fait un bon travail là-dessus sur… comprendre la pathologie, comprendre les risques impliqués avec cette pathologie-là puis c’est une décision qui est commune. C’est jamais la décision seulement de l’équipe médicale ou seulement des coachs. C’est souvent une discussion entre les joueurs, entre le joueur, les coachs et l’équipe soignante qui va vraiment déterminer qu’est-ce qu’on fait avec cette pathologie-là puis c’est quoi le plan de traitement? C’est quoi le plan d’action? Est-ce qu’on repermet le retour au jeu. Puis, il y a aussi toute l’aspect objectif d’équipe, objectif individuel. Ya… la gestion du temps est différente. Tu sais, on a un match à chaque semaine à jouer. Puis les enjeux sont différents à chaque semaine. Y a des semaines où on veut absolument avoir tel plan de match, on a besoin de ce joueur-là : est-ce qu’on peut faire jouer ce joueur-là ou pas vraiment? Est-ce que ce joueur-là est prêt à jouer aussi, c’est important. Puis le football, c’est un jeu de gestion de la douleur. L’équipe qui va le mieux gérer sa douleur va normalement être victorieuse.  

Raymond Poirier: Donc, on revient à l’importance de l’équipe médicale.  

Yann Leroux: Exactement.  

Michaël Morin: Oui, vraiment. Tu sais notre rôle en tant qu’équipe médicale, tu sais, puis y a pas juste les phytothérapeutes, y a des médecins, il y a des kinésiologues… On est une belle petite équipe médicale qui nous permet de discuter ensemble puis de prendre une décision commune sur un cas. C’est sûr que si l’athlète, ça le met à risque… Exemple : une commotion cérébrale. C’est non, il joue pas. Y a pas fait ses protocoles, on sait les impacts qui peut y avoir sur du long terme. Ça, c’est clair. Mais des fois, comme Yann expliquait, il y a une zone grise. Des fois, on peut utiliser une orthèse, un tapping qui permet de jouer sa dernière partie de la saison ou des choses comme ça. Mais ça reste toujours la décision finale reste à l’athlète. Si l’athlète veut pas jouer pour la même blessure, y en a qui vont vouloir jouer, d’autres pas. Ça veut dire que l’athlète qui veut pas jouer, il veut pas jouer, on le respecte là-dedans. Lui qui veut jouer, ben on lui explique les possibles conséquences, les risques, les pourcentages, etcetera, selon la science. Puis on prend une décision commune rendus là.

Ça veut dire que notre rôle, c’est ça qui est le plus difficile, c’est pour ça qu’on peut pas vraiment l’enseigner à l’Université, cette zone grise-là. Ça demande du terrain, ça demande de l’expérience, parce que c’est pas tout le monde qui évolue… On commence avec le même diagnostic, il y en a que ça va super bien, évoluent super rapidement. Puis ils vont être capables de retourner rapidement à l’activité. Puis y en a d’autres que ça traîne, c’est plus difficile. Ils ont des cycles inflammatoires plus longs, des cycles de guérison plus longs. Je peux pas tout le temps tout expliquer ce qui se passe à ce niveau-là, dépendamment des gens, de leur âge, de leur alimentation, de leur sommeil. On peut en nommer, y a plein de causes. Mais à ce niveau-là, nous, notre rôle, c’est d’essayer de les aider de jouer dans cette zone grise-là pour jouer sur la ligne du temps, puis de leur permettre de performer en fonction de leur objectif.  

Raymond Poirier: Et puis j’imagine qu’il y a une différence aussi : on parlait du rythme des matchs de football, donc une fois par semaine versus ben Michaël Morin t’a été aux Jeux olympiques pour faire partie de l’équipe physiothérapie canadienne, là, on se retrouve avec un autre dynamique où c’est très concentré, c’est très intense. Il faut s’organiser pour que l’athlète soit prêt dans des périodes qui sont beaucoup plus rapprochées dans le fond?  

Michaël Morin: Ouais en plein ça. Puis ce qui est… je dirais que ce qui est difficile, c’est qu’on connaît pas tant les athlètes. Tu sais, moi j’arrive aux Olympiques, où j’arrive dans un des grands jeux, même les tournois de hockey, d’Hockey Canada. T’sais, on les a 3 semaines, ça veut dire que tu connais pas l’athlète, tu connais pas tout son passé, tu le connais pas… T’sais on connaît un peu ses blessures, mais la relation médicale qu’on peut développer avec le patient — ben avec une équipe sur du longitudinal, un peu comme l’équipe de football. T’sais, Yann, je me souviens quand il est rentré sa première année, puis le suivre pendant toutes ses années qu’il a travaillé, qu’il était chez nous. Puis même, on suit des athlètes professionnels qui ont… ça fait 8, 10 ans qu’on les suit. Ça veut dire que la relation est différente, ça veut dire que c’est beaucoup plus facile de discuter… Ben… plus facile (hésitation), ça nous donne plus d’outils pour pouvoir bien répondre à leurs besoins, comparativement dans les tournois avec des petites échelles de temps comme les Olympiques, par exemple. C’est pour ça que là, il faut parler, avoir une bonne discussion avec l’entraîneur, lui expliquer les risques. Puis après ça, ben ils sont dans leur pic eux autres. Ça fait 4 ans qu’ils travaillent juste pour ce moment-là. Ça veut dire que là, ça reste la décision de l’athlète, bien sûr, à moins qu’il y ait vraiment une limitation médicale qui le met à risque mais, sinon, on essaie de leur permettre de vivre ce moment-là du mieux qu’on peut.  

Raymond Poirier: En fait, on est plus dans une approche de soutien où on se dit : bon OK, faut que moi, comme membre de l’équipe, je m’assure que l’athlète est capable de performer à son meilleur niveau au moment où il va être appelé à faire cette performance-là.  

Michaël Morin: Effectivement. Puis ça demande de l’expérience. C’est pour ça que les gens qui vont dans ces niveaux de jeu-là souvent ont plusieurs années d’expérience. Tu sais, moi, je viens de passer mes 15 ans de carrière pis j’étais le bébé aux Olympiques. Ça veut dire que… vous comprenez, ça veut dire que les gens qui sont là ont 20, 30 ans, 40 ans de carrière. Ça veut dire que quand ils arrivent face à une situation, ils ont beaucoup d’outils dans leur coffre à outils pour pouvoir dire : OK, là je peux jouer avec ça, ça, ça. Qu’est-ce que je peux faire? J’ai un laps de temps de 24 heures. Comment je fais pour arriver à mon… à le laisser d’y amener le maximum de pic de performance. Pis là on arrive, puis on dit ça à l’athlète, on en parle avec l’entraîneur. Parfait, on avance. Puis on essaie des faire arriver à leur sommet au bon moment, puis de les aider du mieux qu’on peut.  

Raymond Poirier: Et je fais une parenthèse, d’ailleurs, non reliée là. Mais le fait justement d’être appelé aux Olympiques, d’être appelé dans des tournois de degré international comme membre de l’équipe de soins, j’imagine que ça doit être des bons points de référence côté carrière, côté progression, de dire : OK, il y a sûrement quelque chose que je fais qui fonctionne, qui marche pour qu’on vienne me recruter. J’imagine, ça doit être assez satisfaisant là?  

Michaël Morin: Quand j’ai eu le téléphone pour aller à Paris, c’était une belle fierté personnelle. Fait que ça, je pense que c’est quand même une chance que j’ai. Puis j’ai travaillé fort pour, mais j’aimerais ça, continuer dans cette lignée-là. C’est une super belle reconnaissance. Puis j’aime ça aussi enseigner. J’aime ça pouvoir dire : ben, regardez, j’ai fait ça. J’ai pas tout fait, vraiment pas. Puis j’aime ça apprendre. Probablement que j’aimerais ça, continuer de faire des formations continues toute ma vie, genre pour essayer de toujours apprendre, mieux comprendre les situations. Puis, mais c’est vraiment valorisant effectivement, c’est un milieu… Oui, des fois, on vit des moments de pression, je vous cacherai pas, là ça paraît super beau en entrevue là, mais… Quand on arrive à 24 heures d’arriver à une finale ou de performer, puis là ben t’as la pression de le faire performer. Ben faut que tu trouves des solutions pour pouvoir l’amener à ce niveau-là, amener l’athlète dans ton plan parce que, des fois, même quand tu connais pas l’athlète, faut que tu crées la relation de confiance rapidement, lui faire dire : OK, moi je suis d’accord. Puis tu réussis à le faire, puis il réussit à performer, puis il gagne. Puis il te fait un clin d’œil, tu sais, ça vaut pas mal plus que le salaire que j’ai eu dans la dernière année.  

Raymond Poirier: Et est-ce que c’est quelque chose qu’on perçoit… Parce que dans le fond, tu te développes comme athlète de haut niveau — je pense qu’on va vers la Ligue canadienne de football aussi — donc clairement, tu vas poursuivre dans ce créneau-là. Donc, est-ce que la physiothérapie, c’est d’abord quelque chose qui t’aide à mieux comprendre la mécanique de ton corps, à mieux bonifier un peu tes compétences par rapport à ton équipe ou il y a une satisfaction aussi que tu vas chercher non seulement à toi performer, mais à aider les autres aussi à performer au maximum?   

Yann Leroux: Ben c’est sûr que en tant qu’étudiant athlète, j’essaie de séparer les 2 un peu. Parce que y a quand même une distinction à faire entre un athlète puis un membre de l’équipe soignante. Puis tu sais, j’essaie pas de faire les 2 travail en même temps, j’essaie de quand je suis au football de me concentrer, sur mon travail d’athlète puis quand je suis aux études, ben plus me concentrer sur mes facultés en physiothérapie. Par contre, les 2 vont indirectement se rencontrer à un certain point parce que je vais être… je vais subir des blessures, puis je pense que ça me donne un avantage. Mais… Tu sais, par exemple, je suis allé faire le camp d’entraînement à Winnipeg l’an passé avec les Blue Bombers, puis… je veux pas trop m’impliquer dans l’aspect soins sportifs parce que là c’est complètement un autre, différent monde parce que… les joueurs sont payés. On a plus les mêmes motivations. Moi, je peux plus avoir les mêmes connexions que j’ai avec les joueurs. Je connais plus leur cas, je les ai vus un mois, puis on a eu des discussions mais… Fait que j’essaie de vraiment faire la distinction entre quand je suis dans le stade de football, je suis un joueur de football, mais quand je retourne sur les bancs d’école ou quand je travaille comme étudiant soigneur ou quoi que ce soit, ben là clairement, je mets mon chapeau de physiothérapeute.  

Raymond Poirier: Ouais, c’est pas mal d’avoir une approche peut-être un peu plus saine. Puis aussi parce que, je veux dire… de jouer déjà, c’est de la pression aussi. Fait que si on s’en rajoute en plus, ben à un moment donné, on perd le focus, puis on performe moins bien nécessairement.  

Yann Leroux: Dans une saison, on est très occupé. Il y a du travail, y a toute l’aspect social, y a le football, puis il y a l’école. Donc ça devient très occupé. Si toutes mes coéquipiers viennent me voir pour leur petit problème, ça peut être problématique. J’essaie d’être toujours disponible pour parler avec mes coéquipiers, toujours disponible pour essayer de les aider ou de les référer vers les bonnes personnes qui peuvent régler leurs problèmes ou du moins les aider à les régler. Mais t’sais, y a quand même une distinction claire entre le Yann footballeur et le Yann physiothérapeute.  

Raymond Poirier: Et, en même temps, y a quand même une reconnaissance, j’ai l’impression aussi d’une certaine capacité de leadership. De toute évidence, t’as été nommé capitaine du Rouge et Or football et je pense que, à l’époque, tu étais parmi les moins expérimentés à avoir reçu ce rôle-là comme tel. Donc j’imagine qu’on le prend un peu comme… justement, c’est une reconnaissance de cette capacité-là à bien accompagner, à bien accomplir ces rôles, ces fonctions.  

Yann Leroux: Ben, c’est sûr que je veux pas répondre pour mes coachs, mais j’ai été capitaine… la première année où j’ai été capitaine, c’est en 2021, puis petit rappel, en 2020 c’était la pandémie. Donc on n’a pas eu de saison cette année-là, puis on n’a pas pu faire notre entraînement, notre préparation physique comme d’habitude. C’est-à-dire que c’était vraiment pas l’idéal, mais on a réussi à quand même faire ce qu’on voulait faire. On a fait beaucoup d’entraînements via Zoom. C’était séparé par position. Puis moi, malgré le fait que c’est seulement ma deuxième année dans le Rouge et Or, ben c’est moi qui s’occupais de gérer la préparation physique des gars, donc c’est moi qui prenais les devants pendant les sessions pour s’assurer que la préparation était faite pour s’assurer que… Parce que après un arrêt de de pratique ou d’entraînement pendant plusieurs mois mais, évidemment, le risque de blessures augmente énormément.

Fait que moi, je me suis assuré à ma position, du moins, j’ai fait le mieux dont je pouvais faire avec les conditions de la pandémie pour m’assurer qu’il avait quand même une continuité entre avant la pandémie, pendant et après la pandémie. Puis ça, je pense que c’est un espèce de leadership que les coachs ont vraiment apprécié de ma part. Parce que encore une fois, tu sais, moi, ma passion c’est d’aider les gens à travers la physiothérapie. Puis là ben, je pouvais pas jouer au football puis l’école, c’était à distance. Fait que j’ai essayé de, pour une fois, enlever la distinction entre physiothérapeute et footballeur, puis essayer d’aider le mieux possible les gens qui m’entouraient avec ce que j’étais capable de faire, donc je pense que les coachs ont apprécié ça. Puis depuis ce temps-là, encore une fois, je veux pas parler pour eux, mais je pense qu’ils ont aimé la façon dont je leadais l’équipe parce que ben je l’étais encore la dernière saison, qui était ma dernière saison avec le Rouge et Or.  

Raymond Poirier: Ce qui est important de se le rappeler, c’est que le Rouge… le football en fait, c’est un sport qui est quand même hyper physique. Je veux dire, il y a un… c’est un sport de contact mais il y a aussi une dimension stratégique, il y a une dimension intellect et psychologique qui est pas évidente non plus, donc… Puis tu le disais tantôt, c’est 100 joueurs à coordonner, à s’assurer que tout le monde travaille dans le même sens. Donc, ça reste une grosse machine le football de façon générale.  

Yann Leroux: Oui, je suis absolument d’accord. J’ai toujours aimé l’aspect physique dans les sports. J’ai joué au hockey, comme je le mentionnais plus tôt, mais ce qui m’a vraiment accroché entre le football et le hockey quand il y a… quand est venu le temps de prendre une décision entre les 2 sports, c’était vraiment l’aspect stratégique. Puis l’aspect où mes compétences intellectuelles pouvaient vraiment être mises à profit. Même si j’étais pas le plus gros, ni le plus rapide, ni le plus fort, ben j’ai quand même réussi à tirer mon épingle du jeu simplement en étant en avant sur les autres intellectuellement par rapport au cahier de jeu ou par rapport aux stratégies de l’autre équipe. Donc tsé, l’aspect stratégique du football, c’est… je dirais que c’est peut-être même 60 % comparé à l’aspect physique. Puis ça, la plupart des gens qui regardent le football à la télé, ils savent pas. Mais c’est vraiment ce qui fait la différence dans mon cas à moi, l’aspect stratégique.  

Raymond Poirier: Et j’ai l’impression, mais justement, pour pouvoir bien se concentrer sur la stratégie, bien se l’approprier, faut pas avoir d’événements parasitaires. Donc, si t’as mal, si t’es pas bien, si te sens pas bien, ben t’es moins là mentalement. Si t’es moins là mentalement, tu performes moins bien. Donc, on comprend que l’approche de soins devient essentielle pour libérer, oui le corps, mais aussi l’esprit pour l’engagement vers le jeu.  

Michaël Morin: Effectivement, comme je vous dis, c’est un multifacette. Ça veut dire qu’il faut approcher l’athlète, puis des fois, on voit que quelqu’un récupère moins bien lors d’une blessure par exemple. Ben, en creusant un peu plus avec lui, en discutant avec, on se rend compte que, des fois, il y a du stress externe, y a des facteurs externes qui viennent influencer l’évolution de la blessure. Puis ça nous permet de mieux comprendre. Puis quand on désensibilise ces cordes-là, ben là tout d’un coup: Ah OK, le retour au jeu est beaucoup plus facile. La performance est meilleure, puis tout le monde est gagnant là-dedans.  

Entre défis et adrénaline: l’art de s’adapter (34 min 45 s) 

Raymond Poirier: Et en parlant du cas que tu mentionnais Michaël Morin, dans les Jeux olympiques, par exemple, on se retrouve dans une approche où tu es habitué de travailler avec du football donc c'est le gros de la charge, c’est beaucoup dans ce sport-là, mais dans un contexte où on fait un pas de côté, on se retrouve dans une dynamique multisports, donc avec une variété d'humains. On le disait tantôt mais également avec une variété de pratiques, donc ça doit ajouter une pression, une dynamique particulière à l'approche de soins dans un contexte comme celui-là aussi.  

Michaël Morin: Oui, effectivement, parce que quand on va dans des Jeux comme ça, souvent ils vont nous attitrer différents sports. Ça veut dire que, dans le fond, moi quand je suis allé exemple aux Jeux Panam, j'avais 6 sports; aux Jeux olympiques, j'avais 3 sports particuliers. Puis en plus, ben quand on fait notre journée sur le terrain, ben le soir on s'en va à la clinique, puis là faut faire la couverture au niveau clinique — la clinique canadienne qui est dans le village olympique. Puis là ben, tout le monde peut débarquer là, parce que des fois y en a qui sont pas... y a une partie de l'équipe qui est partie sur la route. Là, on va voir un cycliste, on va voir quelqu'un qui fait du tir à l'arc, comme je parlais tout à l'heure, on va voir du water-polo. Tsé, même des sports qu'on a... que moi j'ai jamais pratiqués. Là je suis comme : OK, là faut que... C'est juste que... c'est très exigeant mentalement parce qu'il faut tout le temps que tu t'adaptes. Faut que tu analyses bio mécaniquement qu’est ce qui peut se passer, sortir tes outils, comment les utiliser? Savoir que tes outils de traitement peuvent t'aider à aller chercher telle performance. Faut pas que tu les irrites trop, parce que sinon tu vas lui nuire. Faut que tu les aides, faut que tu leur donnes des conseils, etcetera. Ça veut dire que le cerveau est en ébullition tout le temps parce que c'est tout le temps en train de, un peu comme... sans nommer une urgence, tu sais pas ce qui va débarquer dans la clinique. Il faut s'adapter, s'adapter, s'adapter, s'adapter, s'adapter. C'est vraiment passionnant. Tu vis sur l'adrénaline tout le temps. Mais c'est sûr que quand tu reviens là à la maison, tu ressens un peu cette vague, puis la fatigue arrive, pouf! (rires) La balloune dégonfle comme on dit là, mais c'est des expériences incroyables. Puis, même au niveau professionnel, ça nous permet justement de développer des capacités d'adaptation. Puis ça te donne des outils parce que moi j'ai fait beaucoup de football, beaucoup de hockey. C'est sûr de voir des sports nouveaux, c'est super intéressant de t'ouvrir quand tu lis des livres de référence, par exemple. Ben, ça t'amène à une autre vision que tu peux penser différemment, puis c'est super intéressant. 

Raymond Poirier: Ouais, j'imagine en fait. C'est quoi, vous étiez 14 dans l'équipe de soins?

Michaël Morin: Ouais.

Raymond Poirier: C'est ce que tu me disais tantôt, j'étais le moins expérimenté avec 15 ans derrière moi. Mais c'est se dire que ça fait aussi 13 autres personnes avec qui tu peux jaser, tu peux échanger. Puis j'imagine qu'il y a une notion de partage d'expérience aussi qui doit être intéressante.

Michaël Morin: Oui, vraiment, il y avait... Tsé, on était 3 physiothérapeutes, un thérapeute en chef... Il y avait des chiros, des médecins du sport, bien sûr — ils étaient 7 médecins du sport — des psychologues sportifs, etcetera. Ça veut dire que l'équipe, oui, on était très proche, les 14. Ça veut dire qu'on pouvait se faire des rencontres... où quand on couvrait la clinique, des fois, on était 2 ou 3 tout le temps. Ça veut dire que les discussions, les façons aussi de travailler au niveau du Canada au complet, des fois, les approches sont différentes. Ça veut dire qu'on peut apprendre l'un de l'autre, on peut discuter de cas, etcetera. C'est super intéressant. Puis ça te fait des, un super... ça développe un excellent réseau pour l'avenir. Même quand on revient des Jeux. Tu sais, les relations qu’eux ont vécu la même chose que nous, ça veut dire disons que quand t'as une question, ben tu sais que tu peux appeler à Vancouver puis avoir une réponse rapidement ou tu sais, t'as besoin d'un réseau de contacts pour toi, tel athlète ou tel coach ou peu importe, d'avoir de ces relations-là, ben c'est sûr que ton réseau s'agrandit rapidement. Puis c'est vraiment intéressant, puis utile.

Raymond Poirier: Et en fait, sans faire un parallèle boiteux, mais si on fait le saut, tu parlais tantôt justement des camps d'entraînement du côté de la Ligue canadienne versus la saison régulière au Rouge et Or. J'imagine que c'est pas la même intensité, on se prépare pas de la même façon, c'est pas les mêmes joueurs. C’est des joueurs qu'on connaît moins, donc j'imagine que des adaptations comme Michaël a à faire pour le volet médical dans un contexte intense, intensif, est un peu la même chose à faire sur le volet athlète, sur le volet joueur dans le fond, dans un camp d'entraînement comme ça.

Yann Leroux: Absolument. Tu sais la plus grosse différence que moi je peux... que j'ai remarquée du moins entre le Rouge et Or ou du moins le sport universitaire qui est amateur, puis le sport professionnel: c'est l'argent. J'explique : au niveau universitaire, si on a des lacunes dans l'équipe ou on a des positions qui sont problématiques, on va faire avec, puis on va s'arranger en tant qu'équipe pour essayer de peut-être cacher ses faiblesses-là ou, du moins, essayer de les gérer d'une façon qui va nous permettre que ça devienne pas trop des lacunes. Au niveau professionnel, ce qui arrive, c'est qu'ils vont couper les joueurs. Donc ils vont juste... Tu sais, à chaque jour au camp d'entraînement, il y avait... je dis peut-être 2 à 8 joueurs qui se faisaient couper, puis y’en ramenait un autre 8. Fait que c'est vraiment différent. À la place de faire avec les joueurs qu'on a, on essaie de construire l'équipe parfaite pour arriver à nos buts. Fait qu'il faut que tu trouves tes repères, faut t'assurer que t'es là pour les bonnes raisons, que t'es prêt à vivre ça. Puis autant qu'en physiothérapie sportive, ça demande de l'adaptation, autant que je pense qu'en tant que joueur professionnel aussi, ça en demande.

Raymond Poirier: Dans le fond, à un moment donné, la piqûre de la passion du sport est là, aussi l'opportunité est là. Donc on se dit, ben ça, ça reste une sacrée belle opportunité pour continuer à se développer comme joueur, puis continuer à avoir des nouveaux défis parce qu’évidemment, plus on avance, plus le niveau de jeu devient intensif, plus il faut continuer à avoir une capacité de jeu qui est de plus en plus ample, dans le fond, à se développer.  

Yann Leroux: Exactement.

Raymond Poirier: Et est-ce que ça fait de la pression? Parce que là tu t'en vas là je pense. Donc ça c'est un stress ou une dynamique particulière à dire : OK, on finit une période, on va finir les études aussi en même temps. Puis, après ça aussi, on passe à autre chose, puis on se reconcentre entièrement sur le jeu pendant une certaine période-là.

Yann Leroux: Ouais. Ben c'est sûr que ça demande une concentration. Puis c'est une concentration quand même à long terme, parce que, oui, en ce moment, je suis à l'école. Puis je m'occupe de tout ce qui est ma maîtrise et tout ça mais, je peux pas mettre le football de côté puis espérer que tout aille bien une fois rendu là-bas. Faut quand même que je me prépare physiquement. Faut que je me prépare mentalement. Puis moi, j'ai une position qui est particulière, c'est spécialiste des longues remises, c'est une des seules positions au football où tu pars avec le ballon dans les mains. Donc si tu manques ton lancer ou si tu manques ta remise, c'est de ta faute. Donc tu sais, tu reçois pas une passe... tu peux pas avoir une mauvaise remise à toi du quart arrière, il peut pas y avoir un ballon. Le ballon sort des mains de l'arbitre avec une serviette qui l'essuie, donc le ballon est sec. Dans mes mains, je pars avec. Donc, c'est surtout... c'est une approche systématique. Je pense que mes études en physiothérapie m'ont aidé à avoir une espèce d'approche systématique puis d'être très rigoureux. C'est surtout avec mon projet de maîtrise là on joue beaucoup avec les paramètres d'une recherche en santé, puis je l'approche un peu comme ça. Je peux pas essayer de changer mon élan de remise en essayant n'importe quoi aléatoire. Faut que j’y aille purement. OK, le ballon est arrivé à telle hauteur, si je change un paramètre à la fois, qu'est-ce que ça change sur ma remise?

Enjeux et réalités du sport professionnel (41 min 38 s) 

Raymond Poirier: Et à travers tout ça d'ailleurs, ça m'amène à ce qu'on parlait des différences, par exemple, entre une dynamique Rouge et Or versus jeu professionnel ou même de façon large. En fait, ce que chaque pays, chaque équipe, chaque groupe, on disait tantôt, y a pas une façon unique d'envisager la physiothérapie. Donc, est-ce qu'on voit, beaucoup de différences, de philosophies différentes, peut être aussi? Que ce soit enfin avec les Jeux olympiques, les tournois mondiaux ou les expériences que t’as eu de ton côté, donc je lance un peu la question.  

Michaël Morin: Quand moi je pars à l'international, je vais traiter les athlètes comme je les traite ici au Québec. Tu sais je veux dire, mes forces vont rester les mêmes forces si je suis en Russie ou si je suis en Europe ou si j'étais en Amérique du Sud. Mais... puis les athlètes vont avoir le même type de traitement. C'est juste qu'on voit un peu les tendances souvent quand on rencontre d'autres pays, d'autres équipes médicales, etcetera, voir leur standard, leur qualité de traitement. Je peux vous... j'ai une petite histoire en tête là. Je suis à un championnat du monde au hockey, puis ils nous réunissent dans le fond, les différentes... les 10 équipes au centre de la glace pour nous présenter leur protocole d'urgence dans le fond. Si y a quelqu'un qui, exemple, qui perd connaissance ou qui se fait frapper, puis a un problème cervical, etcetera. Pis dans ce pays-là, eux, leurs techniques, c'est... nous, on a des techniques très protocolaires de comment plancher quelqu'un, après ça, le mettre dans matelas coquille, l'amener, etcetera. Tu sais, c'est très, très pointu et rigoureux pour éviter le maximum de possibles traumas à l'athlète. Mais eux, ils disaient : ben tu prends 4 personnes, chacun a un pied, chacun a une main. Tu tires sur l'athlète, puis tu le mets sur la civière, puis faut que ça sorte parce que ça ralentit le temps de jeu, puis ça ralentit le temps d'antenne pour la télé. Mais là on a fait : OK, non merci. Vous êtes là avec le médecin chef de l'équipe. On a rencontré l'organisation, puis on a dit : Si y arrive quoi que ce soit sur la glace, vous ne touchez pas l’athlète. Puis y a même eu une dérogation de demander au IIHF, la Fédération internationale de hockey de dire : OK, nous, les athlètes canadiens, on gère nos athlètes. On veut pas que vous y touchiez parce que vos protocoles sont pas nos standards, puis on n'acceptera pas ce qui peut arriver à ce niveau-là. Ça, c'est juste un exemple parmi tant d'autres. Ça dépend vraiment des pays. On n'a pas toutes les mêmes avancées, les mêmes standards, les mêmes protocoles. Puis je pense que chaque pays garde de se protéger, puis de mettre ses propres réglementations, puis c'est de respecter... Pour ça qu'il y a une Fédération internationale qui vient protéger tout ça.

Yann Leroux: Puis moi, au niveau professionnel, moi, ce que j'ai remarqué, la plus grande différence entre le Rouge et Or ou le football universitaire, puis les rangs professionnels, c'est l'attitude des athlètes face à la physiothérapie. J'explique. Au Rouge et Or, on a une offre de soins qui est vraiment large, puis il manque pas de personnel ou, du moins, tout le monde peut retrouver ce qu'il a besoin pour performer au maximum. Les athlètes, pendant le camp d'entraînement, par exemple — je vais comparer les camps d'entraînement parce que j'étais pas là la saison à Winnipeg. Donc, pendant les camps d’entraînements au Rouge et Or football — Mike va pouvoir en témoigner — entre les pratiques, après les pratiques, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de joueurs qui vont dans le local de physiothérapie pour des massages, des traitements ou tout simplement pour des conseils. Au niveau professionnel, moi ce que j'ai remarqué pendant le camp d'entraînement, à peu près personne va en physiothérapie, puis ce que je pense avec mes petites recherches à l'interne, c'est que les joueurs ont peur de se retrouver sur la liste de blessés. Encore une fois par peur de perdre leur poste, par peur de se faire couper, par peur de perdre leur salaire. Donc, c'est vraiment une attitude qui est différente. J'imagine qu'en saison ça change, je peux pas parler à travers mon chapeau puis dire comment ça se passe pendant la saison. Mais ce que j'ai remarqué c'est que, vraiment pendant le camp d'entraînement, l'attitude face au physio au Rouge et Or, c'est vraiment plus : on veut optimiser, je veux de l'aide. Tandis qu'au professionnel c'est plus : j'espère qu'ils vont pas découvrir que j'ai mal. Pis, ben moi je pense pas que ça va être ça mon attitude là. J'ai des connaissances en physiothérapie, puis personnellement, je pense pas que retarder les traitements va m'aider à long terme, fait que...

Raymond Poirier: Même au contraire, ça risque de nuire à long terme, d'aggraver finalement quelque chose qui aurait été correctible, quelque chose qui devient peut-être justement un élément qui va t’envoyer sur le banc pendant un certain temps.

Yann Leroux: Ouais, possiblement.

Michaël Morin: Effectivement, mais si je peux renchérir...

Yann Leroux: Oui vas-y.

Michaël Morin: Tu sais, Yann est dans une position qui sait qui va avoir terminé sa maîtrise, qui va avoir un emploi par après. Mais pour avoir gravité dans d'autres milieux où est-ce que, des fois, c’est des milieux plus défavorisés ou même au niveau, même au niveau professionnel, y a des gens qui ont, qui ont pas nécessairement l'éducation, puis ils savent pas que l'après carrière va être quoi. Ça veut dire que la notion de jouer, de cacher des blessures, la notion de... Un peu comme Yann expliquait toute la technicalité sur le terrain ou sur la glace d'arriver et puis de dire quand je reçois la rondelle, c'est plus un jeu, c'est un travail. Si je tire pas, où est-ce que j'ai le maximum de chances de marquer un but, ben ce but-là me vaut 50000 de plus sur mon salaire par année. Ça veut dire que pour avoir déjà eu ces discussions-là avec certains anciens professionnels qui sont souvent des entraîneurs, c'est vraiment intéressant de voir à quel point que ça devient un travail de minutie, puis que les options d'après carrière sont très différentes de personne en personne. Ce qui peut vraiment influencer des fois le cheminement lors d'une blessure par exemple.

Raymond Poirier: Et tout ça, en se rappelant aussi que j'imagine en physiothérapie il y a des éléments qui sont clairs, que la science démontre de façon hors de tout doute ou presque, en gardant un doute raisonnable que la science impose évidemment. Et il y a d'autres choses aussi, des traitements qui — c'est pas encore clair, par exemple : est-ce que je mets du chaud ou du froid — ben la littérature le dit pas clairement, donc dans ce cas-là, ça devient un peu un choix qui est fait par l'équipe de préconiser un type de traitement versus un autre.

Michaël Morin: Oui, puis aussi, ben comme on a parlé, on traite des humains hein. Ça veut dire que... Puis tsé la glace, y’en a qui disent : Ah! Mets jamais de glace! Jamais, jamais, jamais, jamais! Mais je sais pas si vous vous êtes déjà fait opérer ou vous avez déjà eu une bonne blessure, des fois, on a tellement mal qu'on cherche des options. Ben la glace ça l’enlève la douleur. Ça veut dire que oui, ça va peut-être ralentir le processus inflammatoire comme certaines études le démontrent mais, à quelque part, si t'as tellement mal, t’est tout le temps en contracture, t'es pas plus avancé non plus. Ça veut dire qu'il faut trouver un équilibre là-dedans. Même chose pour la chaleur. Ça veut dire que la chaleur, on sait que si on met de la chaleur sur de l'inflammation, c'est pas bien, ça va juste continuer d'augmenter avec la vascularisation. Mais, en même temps, quelqu’un qui a une très... il est tellement courbaturé, exemple au niveau lombaire, ben la chaleur va peut-être détendre le muscle puis ça va permettre une meilleure récupération. Ça veut dire que là, c'est dur de faire des projets de recherche vraiment précis pour être précis à chacune des personnes. C'est souvent des études, des projets de recherche et des cohortes. C'est généralisé mais je pense que l'important c'est d'avoir plusieurs outils. Des fois, on fait des essais erreurs. Tant qu'on blesse pas le patient, puis qu'on essaie de l'aider mais, éventuellement, on trouve notre X comme on dit, puis que le patient lui se sent bien, ça veut dire que lui il trouve sa propre recette. Puis on l'aide là-dedans, puis on peut lui permettre de le faire évoluer là-dedans.

Raymond Poirier: Et en terminant, y a une question qu'on pose à tous nos intervenants. Alors, c'est la suivante : Avec qui aimeriez-vous prendre rendez-vous si vous pouviez choisir n'importe qui vivant ou mort et la partie importante, pourquoi? Donc, Yann Leroux.

Yann Leroux: Y a une équipe de la Ligue nationale de football, les Dolphins de Miami puis il est arrivé un incident l'année passée. C'est-à-dire que leur quart arrière, un des joueurs très importants au football, ses blessures, il a subi une commotion cérébrale. Il a subi une commotion cérébrale qui semblait à la télévision assez, assez intense. Il a perdu connaissance sur le terrain. Il avait des mouvements spastiques. C'était clairement... Clairement, il s'est passé quelque chose au point de vue neurologique. Ensuite, l'équipe a engagé un neurologue externe pour l'évaluer, puis pour s'occuper de ses traitements. Ce nouveau neurologue-là, 4 jours plus tard, lui a donné le go pour retourner au jeu. Puis là, la ligne du temps — je sais pas si c'est exact ce que j'ai — mais, en gros, c'est ce qui s'est passé le match d'après, il s'est reblessé avec une autre commotion cérébrale qui était horrifiante même. C'était digne d'un film d'horreur: encore une fois avec des spasmes, avec une perte de connaissance claire. Puis, j'aimerais ça prendre rendez-vous avec ce neurologue-là pour lui poser des questions par rapport à son protocole: comment il l’a évalué? Puis, qu'est-ce qui a motivé cette décision-là de le retourner au jeu? Est-ce que c'était motivé par des acteurs secondaires ou c'était purement en pensant sincèrement que ce joueur-là était prêt à retourner au jeu? Puis j'aimerais ça aussi avoir accès au dossier pour voir comment on aurait pu faire pour éviter une blessure comme ça? Puis quelque chose qui, par la bande, a mis de la lumière sur le risque de blessures au football, mais aussi qui a mis en danger énorme un athlète qui avait un bel avenir devant lui. Fait que c'est lui que j'aimerais ça rencontrer, le neurologue des Dolphins.

Raymond Poirier: Et Michaël Morin?

Michaël Morin: C'est une bonne question. À travers ma courte carrière, j'ai eu la chance de rencontrer quand même certains de mes plus grands idoles comme Patch Adams, Wayne Gretzky etcetera, à travers différents tournois. Quelqu'un que j'ai jamais — ben que j'ai déjà rencontré mais que j'ai jamais pris le temps de m'asseoir puis de discuter avec lui — Docteur Mulder du Canadien de Montréal. Je pense qu'il doit être une Bible avec ses... je pense qu'il a les 10 coupes Stanley si je me trompe pas. Toutes les épopées des grands Québécois qui ont joué à travers la pression, avec les relations avec les Anglais, les Français etcetera. Ça doit être vraiment intéressant d'apprendre toutes cette évolution-là. Lui, il vit, tu sais... il a même travaillé dans le temps où est ce que les salaires des joueurs n’étaient pas astronomiques, ça veut dire que les joueurs jouaient vraiment pour leur patrie. Il devait avoir quelque chose de vraiment intéressant à discuter avec lui, puis de voir cet aspect-là, à ce niveau-là, ça veut dire vraiment intéressant. Ça m'intéresserait.

Conclusion de l'épisode (51 min 21 s) 

Raymond Poirier:Alors ben, Michaël Morin, je rappelle donc, professeur clinique chargé d'enseignement à l'École des sciences de la réadaptation, directeur des opérations médicales à la Clinique du PEPS et physiothérapeute. Yann Leroux, étudiant à la maîtrise en physiothérapie sous la supervision de Michaël, athlète Rouge et Or, capitaine de l'équipe de football. Merci beaucoup à vous deux. (♪ musique instrumentale entraînante ♪)  

Yann Leroux: Merci à toi.  

Michaël Morin: Merci à vous.    

Raymond Poirier: Ce Balado était présenté par la Faculté de médecine de l'Université Laval, en collaboration avec la Clinique du PEPS. La plus grande équipe en médecine du sport et de l'exercice à Québec. (♪ fin de la musique ♪)