Détail de la nouvelle

À la mémoire de Denis Richard

  • Faculté
Denis Richard

_

C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès de M. Denis Richard le 9 décembre dernier, à la Maison Michel-Sarrazin. Il était professeur au Département de médecine de la Faculté de médecine depuis 1984 et s’est illustré en tant que grand bâtisseur et chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec-Université Laval (IUCPQ).

Nous souhaitons nos plus sincères condoléances à toute sa famille, ses proches et ses collègues.

Invitation à la signature d’un registre de condoléances

Toutes les personnes qui souhaitent rendre hommage à ce bâtisseur inspirant pourront signer un registre de condoléances au Hall Marcelle-et-Jean-Coutu du pavillon Ferdinand-Vandry de l’Université Laval dès le jeudi 14 décembre, 11 h, jusqu’au mercredi 20 décembre. Le livre sera ensuite remis à sa famille.

Pour consulter l’avis de décès

In Memoriam

Nous tenions à rendre hommage à cet homme d’exception en publiant un texte écrit à l’occasion de son décès par son collègue et ancien étudiant Serge Rivest.

Professeur Denis Richard

Denis était professeur à la Faculté de médecine depuis 1984.

Au début des années 1980, il travaille avec Jacques Leblanc sur le métabolisme énergétique, en particulier sur l’adaptation au froid. Avec son mentor, il étudie le rôle de la graisse brune dans la dépense énergétique et la thermogénèse chez les mammifères. L’équilibre entre la prise alimentaire et la dépense énergétique est essentiel pour le contrôle du poids corporel. Il fera du déséquilibre entre ces deux éléments, qui mènent éventuellement à l’obésité, son cheval de bataille durant toute sa carrière. Il poursuit dans cette direction avec des études postdoctorales en Angleterre, en physiologie nutritionnelle, à l’Université de Cambridge. Ce parcours l’amènera à travailler sur la découverte d’une protéine découplante dans le tissu adipeux brun, qui joue un rôle critique dans la thermogénèse et la dépense énergétique. Étant diplômé en éducation physique de l’UQTR, l’exercice physique fera toujours partie intégrante de sa vie, en adéquation avec ses études et sa brillante carrière.

Il revient par la suite au Département de physiologie de la Faculté de médecine, au pavillon Vandry, et développe son laboratoire, en étroite collaboration avec Jacques Leblanc. Ses travaux porteront sur les mécanismes de la prise alimentaire, le rôle des hormones sexuelles et l’importance de l’exercice, ainsi que sur les sentiers neuronaux impliqués dans la satiété.

Alors que je suis étudiant à la maîtrise à l’Université de Montréal sur le rôle des hormones ovariennes dans le métabolisme osseux, je le contacte pour lui demander de me montrer une technique chirurgicale, l’ovariectomie chez la rate. En effectuant la procédure sur la table de chirurgie, nous discutons de nos projets de recherche et il me demande mes plans pour le doctorat. Je voulais alors poursuivre avec une chercheuse de Montréal, mais mon bon ami André Marette me convainc de venir à Québec pour nos études doctorales. Nous sommes déménagés ensemble en juillet 1987 et ce fut une décision majeure et déterminante pour le cheminement de ma carrière de scientifique en neurologie. J’ai développé avec Denis un projet sur le rôle de l’hypothalamus dans le contrôle de la prise alimentaire chez le rat et la différence de la circuiterie neuronale entre les mâles et les femelles. Nous avons, entre autres, publié une étude critique sur la différence des effets d’un neuropeptide (CRF) sur la prise alimentaire entre les mâles et les femelles. Pour souligner l’importance de cette étude, il n’est plus possible aujourd’hui d’être subventionné si nous ne travaillons pas avec les deux sexes !

J’ai été privilégié d’avoir Denis comme mentor. Il m’a, bien entendu, transmis sa passion profonde pour la science, mais surtout pour l’étude et la compréhension du cerveau. J’ai, par la suite, développé un tout nouveau champ d’expertise en Californie durant mes études postdoctorales sur la neuroimmunologie. Je l’appelais régulièrement pour discuter de mes résultats et des nouvelles techniques fascinantes à ce moment. Il est venu me rendre visite à deux reprises pour apprendre ces nouvelles techniques, dont l’utilisation de proto-oncogène pour identifier l’activation des neurones et l’hybridation in situ pour visualiser et quantifier les ARNm dans des tranches de cerveau. Cette collaboration fut possible grâce à un respect mutuel et à une grande amitié entre Denis et moi.

J’ai découvert le grand gestionnaire et visionnaire qu’il était à mon retour à Québec pour m’établir comme chercheur indépendant au CHUL et au Département de physiologie de la Faculté. En 1999, Denis est devenu directeur du Centre de recherche de l’IUCPQ, qui était à l’époque très embryonnaire. Je me demandais bien pourquoi il avait décidé de déménager son laboratoire à l’Hôpital Laval et il m’a dit qu’il allait en faire un centre d’excellence en obésité et des maladies métaboliques. Sous sa direction, l’IUCPQ est devenu un centre de recherche de niveau mondial sur les maladies cardiaques, pulmonaires et métaboliques. La masse critique de chercheurs performants est aujourd’hui tout à fait exceptionnelle et il a su mettre en place un environnement propice au développement de la recherche fondamentale, clinique et populationnelle dans ces trois spécialités. Quel accomplissement !

Je deviens directeur du CRCHUQ en 2011, qui devient le CRCHU de Québec en 2012, et c’est comme collègue directeur d’un centre FRQS que je collabore avec Denis à partir de cette date. Je comprends alors le travail colossal qu’il a fait pendant toutes ces années : le renouvellement de la subvention régulière du Fonds de recherche du Québec (FRQS), le recrutement de chercheurs performants, le positionnement d’un centre de recherche à l’international, de même que l’harmonisation des centres de recherche dans la Ville de Québec, tout en maintenant son laboratoire actif et performant. Au début de mon mandat, le gouvernement du Québec annonçait des coupures importantes pour le FRQS et les centres de recherche. Denis et moi, avec l’aide d’autres directeurs de centres FRQS, avons lancé la campagne « Je suis Michèle », avec la participation d’une patiente ayant un cancer de l’ovaire qui participait à un protocole de recherche. Grâce à cette campagne très efficace, le Gouvernement a renversé sa décision en deux semaines seulement. Denis et moi étions au Parlement régulièrement pour parler aux partis d’opposition afin qu’ils nous supportent dans nos démarches, ce qui fut le cas pour tous les partis.

En plus du mentor, du chercheur d’une grande intégrité scientifique dont je m’inspire pour effectuer mon travail, du collègue directeur d’un centre FRQS et du collaborateur hors pair, c’est l’ami et un grand complice que je perds aujourd’hui. Notre passion pour le sport, les bons vins, les bonnes habitudes de vie, le respect de nos collègues, nos familles et enfants et la joie de vivre représentent les valeurs communes que j’ai eu le privilège de partager avec lui.

Cet In Memoriam n’est qu’une infime représentation de l’admiration que j’ai envers cette grande personne. Ses réalisations ont été, bien entendu, soulignées par de nombreux prix et distinctions, dont celui du Grand Québécois et du prestigieux prix Armand-Frappier. Il était tout particulièrement fier du prix Jonas-Salk, évoquant l’Institut où il est venu travailler avec moi durant mon postdoc !

Bien que cette nouvelle soit profondément triste, son œuvre lui survivra. Il a été un pionnier dans la découverte de mécanismes fondamentaux du métabolisme énergétique, de la prise alimentaire et de l’obésité. Il a formé des étudiants qui sont maintenant des chercheurs dans les plus grandes universités du monde et il laisse une marque qui sera à jamais son témoignage et son héritage.

Tu vas nous manquer terriblement, Denis. Bon voyage.


Serge


Autre nouvelle : Denis Richard : un bâtisseur inspirant nous a quittés (ulaval.ca)